Élevée dans des poches suspendues et cultivée avec amour par une famille d’ostréiculteurs de Gouville-sur-Mer, cette huître pas comme les autres fait chavirer les papilles des amateurs de coquillages dans le monde entier.
Vendue dans les plus grandes adresses parisiennes, cuisinée dans des restaurants étoilés et exportée jusqu’à Hong-Kong ou Dubaï, elle a déjà régalé le dernier Président de la République à l’Elysée... La Krystale a aujourd’hui acquis ses lettres de noblesse et fait la fierté des K’Dual (prononcez « Kerdual », à la bretonne !). Chez ces conchyliculteurs de Gouville-sur-Mer, dans la Manche, on cultive les coquillages en famille et ce depuis plusieurs générations. René, le grand-père, qui pêchait le bulot, s’est lancé dans l’ostréiculture dans les années 1960’. Après ses deux fils, Roger et Yves, ce sont désormais ses petits-enfants – Cédric, Emilie, Hervé et Stéphane – qui perpétuent la tradition à travers leurs trois entreprises K’Dual Ostreiouest (en Normandie), Cap au Large (Bretagne) et Huîtres & Co (pour la partie commercialisation). Et la relève semble assurée. Enzo, l’arrière-petit-fils a déjà fait ses premiers pas dans le métier...
Un procédé venu d’Australie
C’est dans leurs parcs - qui s’étendent de Bréville-sur-Mer à Agon-Coutainville sur la côte ouest et à Saint-Vaast sur la côte est (27 hectares au total en Normandie), mais aussi en Bretagne - qu’ils élèvent patiemment moules, huîtres traditionnelles et la « Krystale ». Contrairement aux autres, celle-ci grandit grâce à un procédé que Cédric K’Dual a commencé à tester dès 2007. « Je cherchais d’autres systèmes de production pour améliorer la qualité de nos huîtres et pouvoir proposer un produit haut de gamme », explique-t-il.
Deux ans plus tard, en 2009, il s’envole en Australie à la rencontre d’ostréiculteurs qui ont adopté la technique des poches suspendues. Avec ce système d’élevage, elles sont « bercées » au fil de l’eau, au gré des marées et des courants. Finis les sacs fixés sur des tables ostréicoles qui doivent être retournés régulièrement. « Elles sont aussi moins nombreuses dans chaque poche – 48 seulement contre 180 huîtres habituellement, explique Cédric K’Dual. Elles ont ainsi plus facilement accès à la nourriture et plus d’espace et donc se musclent plus ». A son retour, il investit et se lance.
Résultat : la Krystale possède une coquille plus dure, avec une belle couleur nacrée à l’intérieur. En bouche, sa chair, plus charnue, est d’abord croquante avant de se révéler fondante. Côté goût, moins iodée qu’une huître traditionnelle, elle laisse une note doucement sucrée sur les papilles.
Une qualité et une saveur reconnue
Depuis 2009, la Krystale a décroché au moins un prix chaque année au Salon de l’agriculture, dont deux médailles d’or cette année dans la catégorie « Huîtres creuses spéciales ». Mais avant de parvenir à ce résultat, les K’Dual ont longtemps tâtonné. « Nous avons dû adapter les poches de notre fournisseur australien : là-bas, les ostréiculteurs travaillent dans une baie fermée, où la mer est plutôt calme, explique Cédric K’Dual. Mais ici, nous connaissons l’hiver des vents pouvant aller jusqu’à 150km/h et des vagues de 4 à 5 mètres. La première année, les poches n’ont pas tenu, nous les avons retrouvées sur la plage... », se souvient-il encore. Il a mis plusieurs années pour imaginer et dessiner, avec son fournisseur, un système de fixation adapté aux conditions locales. « Sachant qu’il faut quatre ans pour faire une huître, nous commençons seulement à voir le résultat de nos investissements, qui sont plus élevés que pour l’aménagement d’un parc à huîtres traditionnel ».
Une production en hausse
Il aura fallu aussi lui trouver un nom - « Krystale » pour le côté précieux, avec le K de K’Dual - et la faire connaître. Elle est ainsi présente tous les ans au Salon International Seafood de Bruxelles et, cette année, de Hong-Kong. Malgré un prix plus élevé qu’une huître traditionnelle (environ trois fois plus chère) sur les étals, la Krystale a convaincu. « Aujourd’hui, les clients privilégient la qualité à la quantité. La demande est en hausse et la production aussi », savoure Cédric K’Dual. Avec 160 tonnes par an, elle représente désormais un tiers de la production de l’entreprise familiale (dont la moitié dans ses parcs normands), qui reste la seule en France à utiliser cette technique à une si grande échelle.
Et les idées ne manquent pas. L’an passé, la « Krystale tapas » a ainsi fait son apparition : six huîtres d’un format un peu plus petit, dans un packaging spécial pour une dégustation à l’heure de l’apéritif... D’autres projets sont en cours pour 2019. La Krystale n’a pas fini de vous étonner.
De la Normandie à l’Asie
Les K’Dual ont créé Huîtres and Co, en 2002, pour commercialiser leurs produits, dont leur huître Krystale. Vendue à des grossistes via le groupement de producteurs Cultimer (basé à Dol-de-Bretagne), la Krystale est disponible sur les étals des poissonneries, des épiceries fines, dans certains grands magasins (Galerie Lafayette à Paris, Manor en Suisse), et les restaurants. Elle s’exporte à travers le monde, en Europe, mais aussi jusqu’en Asie. Localement, il est possible de la trouver sur plusieurs marchés normands, celui de Pont-Audemer (vendredi) et de Louviers (samedi). Mais aussi, en décembre et janvier, sur les marchés de Mortagne-au-Perche et de Verneuil-sur-Avre.
Plus d’infos sur la Krystale sur www.krystale-and-ko.fr
Une technique plus ergonomique
Grâce à son mode de production innovant, la Krystale présente aussi des avantages pour les conditions de travail des salariés. Contrairement aux tables d’ostréiculteurs classiques, très basses et qui nécessitent de se baisser pour retourner les poches, les tables utilisées pour accrocher les poches suspendues sont à hauteur de bras. Les salariés n’ont plus à se baisser, mais seulement à clipser les poches - qui sont également moins lourdes puisqu’elles contiennent moins d’huîtres. « Nous embauchons ainsi de plus en plus de femmes qui peuvent les manipuler sans problème », explique Cédric K’Dual. L’entreprise familiale emploie 15 personnes en CDI et autant de saisonniers.
Portrait initialement publié en 2018 dans Le P'tit Normand (Paris Normandie / Aprim).
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